L’Opinion : Matthieu DEPRIECK
Les aiguillons de la macronie, comme les membres d’En commun se qualifient, continuent de piquer; En commun, le parti de Pompili, prend Macron à rebrousse-poil
L’aile gauche de la majorité présidentielle a validé plusieurs dizaines de propositions pour la campagne présidentielle, dont une majorité va à rebours de ce que le chef de l’Etat a jusqu’ici décidé.
Constitué en parti politique depuis un an, En commun représente une sensibilité sociale et écologiste dans la majorité présidentielle, menée par le vice-président de l’Assemblée nationale Hugues Renson et la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.
Un cahier de 16 pages, plein d’arguments et de chiffres pour introduire une cinquantaine de propositions dans les domaines de la transition écologique, de la réforme des institutions ou de la reprise économique. Malgré les apparences, ceci n’est pas un programme présidentiel. Enfin, les auteurs de ce document aimeraient que cela en soit un, mais repris par Emmanuel Macron. Il faudrait pour cela un miracle, ou du moins une révolution politique.
Car En commun, parti à gauche de la majorité présidentielle, fondé par Barbara Pompili et Hugues Renson, place la barre très haut. Au terme de son week-end de rentrée politique, il a validé un corpus d’idées… à rebours des arbitrages rendus par le chef de l’Etat depuis le début du quinquennat. Le cas le plus flagrant touche à la fiscalité. Pour financer la partie sociale de leurs propositions, les membres d’En Commun suggèrent plusieurs augmentations d’impôt : sur les droits de succession, sur les plus-values immobilières, sur la TVA (un point de hausse), sur les bénéfices des grandes sociétés et sur les revenus les plus élevés. Voilà un programme osé alors que l’ensemble des cadres de la macronie répète chaque matin qu’il n’y aura pas de hausses d’impôt pour résorber la dette Covid.
Plusieurs autres idées portées par En commun ont été, elles, déjà écartées par la majorité présidentielle ces derniers mois : la création d’un revenu universel pour les jeunes de 18 à 27 ans, la nomination d’un Défenseur de l’environnement, la fusion des prestations sociales en un guichet unique, l’éco-conditionnalité des aides versées aux entreprises. « Dans une famille, on n’est jamais d’accord à 100%, admet Barbara Pompili, par ailleurs numéro 3 du gouvernement. L’éco-conditionnalité était jusqu’ici compliquée à mettre en œuvre faute d’indicateurs disponibles pour évaluer le respect de normes environnementales et sociales. Un certain nombre d’initiatives a, depuis, été lancé. »
Travailleur du sexe.
Les responsables d’En commun veulent croire que les positions prises par Emmanuel Macron peuvent changer à l’avenir. « Le quoi qu’il en coûte prouve que le contexte change les discours », affirme le député LREM de Paris Hugues Renson. « Si l’on veut tenir compte des nouvelles solidarités et réduire la dette, la question de la fiscalité va se poser », abonde le président d’En commun, Philippe Hardouin. « Le monde change. Quand j’ai été nommé au ministère de la Transition écologique, je n’ai pas rencontré les problèmes de moyens que certains de mes prédécesseurs ont pu avoir », complète Barbara Pompili.
La quinzaine de députés qui forme le noyau dur d’En commun ne suggère pas à Emmanuel Macron un petit coup de volant à gauche, ils imaginent carrément un tête-à-queue. Leurs propositions pour la campagne présidentielle se terminent en apothéose : reconnaître le droit à la fin de vie choisie, créer un statut de travailleur du sexe et légaliser le cannabis. Le chef de l’Etat, frileux sur les questions de société, appréciera, même s’il faut l’avouer, on ne l’a jamais entendu prendre position sur la question de la prostitution.
Voisin, voisine. « Sur le cannabis, il faut sortir des tabous et des impensés, plaide Barbara Pompili. A quoi cela sert-il d’avoir une majorité diverse si ce n’est pas pour débattre ? » Avec un tel bouquet de mesures, En commun veut jouer son rôle d’aiguillon de la macronie ; le parti risque surtout d’attiser les critiques à son égard.
Malgré les engagements pris à soutenir Emmanuel Macron dans la prochaine présidentielle, planent toujours des soupçons de future trahison. Hugues Renson les écarte et signale que le week-end de travail a été salué par le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune, et par le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu. Le délégué général de La République en marche, Stanislas Guerini, n’a toutefois pas reçu le livret de propositions. Sur les hausses d’impôt, il affirme d’ores et déjà que ce n’est pas ce que les marcheurs porteront dans la campagne.
Le sort réservé aux idées d’En commun pose question. Hugues Renson et Barbara Pompili ont-ils le moyen d’instaurer un rapport de force avec leur propre famille politique ? Un levier consisterait à menacer de ne pas soutenir le chef de l’Etat en 2022 pour passer chez Anne Hidalgo, dont Hugues Renson est un ami. Il y a au moins un domaine dans lequel En commun est très proche du Parti socialiste : le premier est installé à Ivry-sur-Seine, au 100 rue Molière. En face, au numéro 99, se trouve le siège du PS.